Les plantations comme territoires de chasse
Selon la pensée commune, la surpopulation des grands herbivores rend la pratique de la chasse
nécessaire. Or, en vérité, ses animaux survivent difficilement dans une forêt sombre où les
herbacés sont rares. En effet, l’écosystème des grands herbivores est originellement le milieu
ouvert et semi-ouvert, qu’ils ont quitté pour se réfugier dans les bois, à cause de la pression
humaine.
Quand la nourriture se met à manquer suite à l’assombrissement des forêts, les populations se
régulent d’elle-même, sans nécessiter le recours à la chasse ou aux grands carnivores (WOHLLEBEN,
2020 : 113-114).
Outre les éclaircissements dus à la coupe et à l’instabilité des arbres en ligniculture qui se déracinent
aux premiers vents, créant de larges espaces ouverts où pullulent les herbacés dont se repait le
gibier, les chasseurs les nourrissent également sous prétexte de les appâter pour les tuer. En
Rhénanie-Palatinat, par exemple, on estime ce nourrissage à 12 kilos par kilo de viande de sanglier,
ce qui est plus que dans un élevage intensif (Ibid, 111). Ainsi, la nourriture disponible augmente
encore, augmentant les effectifs de cervidés et autres, et donc le nombre de proie pour la chasse. En
Allemagne, 1.200.000 grands herbivores ont été tués en 2018. En 2019, 36.286 sangliers ont été
abattus en Wallonie (Surpopulation de sangliers et plan de tir simplifié, le 09/05/2022). En 2013, la
chasse a tué 50.000 corneilles noires et 25.000 pies bavardes (Les dérives de la chasse en Wallonie,
09/05/2022).
La disponibilité en nourriture permet aux populations d’exploser, comme c’est le cas des laies, qui en
viennent à donner deux portées par an plutôt qu’une. En outre, les stress occasionnés par la traque
entrainent des réactions de survie chez le gibier, comme chez les chevreuils. Les femelles deviennent
plus nombreuses et donnent naissance à deux faons par portée au lieu d’un lorsqu’elles se sentent
menacées (WOHLLEBEN, 2020 : 113 ; Les dérives de la chasse en Wallonie, 09/05/2022).
Pour grandir leur tableau de chasse, les chasseurs lâchent des animaux d’élevage semi-domestiqués
dans la nature. Ceux-ci sont souvent porteurs de maladies, qui déciment les souches sauvages. Ces
lâchers tiennent rarement compte de la composition naturelle des forêts. Ainsi, on intègre des
animaux exotiques pour diversifier le gibier, comme le daim, le mouflon et la perdrix rouge, qui n’ont
rien à voir avec la forêt wallonne. En 2015, 10.000 perdrix et 142.000 faisans ont été importés de
France et des Pays-Bas pour la chasse. Les animaux d’élevage, inexpérimentés, sont très vulnérables
face aux prédateurs naturels, ce qui entraine les chasseurs à renforcer les pièges pour les
exterminer : les renards, les mustélidés et les rapaces, autrement dit, leurs derniers concurrents
après la disparition des lynx, loups et ours. Les adultes renards sont tués, par exemple, sans que cela
régule d’ailleurs leur population : des jeunes d’autres territoires prennent la relèvent, qui sont plus
sensibles aux parasites et plus mobiles, ce qui facilite les épidémies à grande échelle (WOHLLEBEN,
2020 : 110-113 ; Les dérives de la chasse en Wallonie, 09/05/2022).
Ainsi, la chasse favorise systématiquement les animaux gibiers au détriment des autres, ignorants les
principes d’équilibre autorégulant des écosystèmes. Ils créent des parcs à gibiers artificiels dont la
seule raison d’être est un plan de tir pléthore. Les populations de grands herbivores grossissent et
déciment les strates basses de la forêt, l’empêchant de correctement se régénérer. Et nos
plantations demeurent clairsemées, en état de savanes. Et le gibier en surnombre en vient à causer
des dégâts dans les jardins et prairies agricoles, ce qui justifie le bienfondé de la chasse. Un cercle
vicieux dont il est difficile de se sortir.
Bibliographie
Surpopulation de sangliers et plan de tir simplifié, in www.wallonie.be, le 09/05/2022.
Les dérives de la chasse en Wallonie, in www.protectiondesoiseaux.be, le 09/05/2022.
WOHLLEBEN, P., l’homme et la nature, Paris : Les Arènes, 2020.