Les plantations et les activités de loisirs

Les activités de tourisme vert se développent ces dernières années, ce qui grossit bien évidemment
le portefeuille des communes concernées. Toutefois, la fréquentation en augmentation demande
des infrastructures, comme la création de parkings, de routes, l’entretien des chemins forestiers, le
balisage, qui accentuent la fragmentation des plantations d’arbres actuelles, déjà très morcelées.

En Belgique, il existe actuellement environ 653 parcours de trails, chacun prévoyant une partie
d’itinéraires off-road, autrement dit, dans les forêts. En 2021, 47.829 coureurs ont participé à ses
trails, une diminution par rapport à l’année 2018 (58.927 participants) due à l’épidémie du Covid (la
DH, Les chiffres fous du trail en Belgique, 09/05/2022)
En 2020, 47.922 personnes ont participé aux marches ADEPS, juste pour la province de Liège (Sport
pour tous Adeps, 09/05/2022). En outre, les communes Ourthe-Vesdre-Amblève ont mis en place 7
parcours de VTT, recouvrant des centaines de kilomètres. Plusieurs centaines d’itinéraires de
mototrails et autres véhicules tout terrain sont également proposés et cartographiés sur de
nombreux sites Internet pour l’ensemble de la Wallonie.
Le cas du Ninglinspo a été bien documenté grâce au mémoire de Mlle Anne Lallemand, étudiante en
économie politique et sociale à Louvain-la-Neuve.
Le site du Ninglinspo est classé comme patrimoine exceptionnel de la Wallonie depuis 1949, il est
également classé zone Natura 2000 pour son grand intérêt biologique. La première balade y a été
établie en 1918, le chemin actuel en suit encore le parcours. Toutefois, en 2013, un grand chantier de
rénovation est mis en œuvre par le groupe « Sentiers vicinaux » afin de garantir la sécurité des
usagers du site (sans avis consultatif préalable) : construction de nouvelles passerelles, balisage pour
les pompiers, nettoyage des déchets naturels, installation de panneaux informatifs, de poubelles et
d’un parking pouvant accueillir 80 voitures. On y trouve également deux circuits pour vététiste et
deux circuits équestres balisés (LALLEMAND, 2022 :11-12).
Il n’y a pas de chiffres précis quant à la fréquentation du site, mais les acteurs officiels parlent
régulièrement de 500.000 visiteurs par an (soit une moyenne de 1370 visiteurs par jour sur une
surface de 8004 ha, 6 personnes à l’hectare) (Ibid : 40), parmi lesquels un nombre croissant de rider,
qui tracent leurs chemins clandestins off-road. On trouve également un certain nombre d’activités
illégales sur le site, comme la conduite de moto-cross et de quads.
En 2020, la situation sanitaire a suscité une invasion massive des sites naturels belges. Les weekends,
autour du site du Ninglinspo, on trouvait plus de 800 voitures garées (en parking sauvage, intrusion
dans les propriétés privées). L’invasion s’accompagnait d’une prolifération de déchets (déchets

envahissant le bord des ruisseaux, problèmes de salubrité en raison des déjections humaines et des
mouchoirs sur le bord des chemins, créations de sentiers clandestins partout, perturbation des cours
d’eau par les déplacements de rochers), d’embouteillages sur les accès principaux aux heures de
pointe et d’une prolifération de bivouacs clandestins et barbecues sauvages (danger d’incendie). Les
autorités ont été forcées de fermer partiellement le site (Ibid : 49-50). Pour l’auteure, cette sur-
fréquentation est due en grande partie à l’activité bouche-à-oreille permise par les réseaux sociaux :
Certains pratiquants ont pour principal objectif de pouvoir montrer leur « performance » et c’est ainsi que l’on retrouve sur
les sites Internet ou groupes rassemblant des pratiquants les mêmes photos (souvent selfies) de sites ultra-fréquentés
faisant partie des « spots » en vogue. Le Ninglinspo n’échappe malheureusement pas à la liste des spots de prédilection. Il
est très souvent cité parmi les 10 balades à faire en Belgique, voire même comme la plus belle balade de Belgique ou de
Wallonie. Sur Instagram, sous le #Ninglinspo, il y a déjà plus de 5000 publications (Ibid : 43) 
Et l’auteure de terminer sur une citation empruntée à l’un de ses entretiens : « Le problème ce n’est
pas… Ce n’est pas « je veux y aller » mais « je veux qu’on voit que j’y ai été ».
Commençons par mentionner les effets d’une haute fréquentation sur la compaction des sols
forestiers, qui provoque une diminution de l’infiltration d’eau, détruit les stabilisateurs de sols
(lichen, champignons, bactéries, mousses, algues) et accélère l’érosion due au vent et à l’eau
(OUREN, D. et Ali, 2009 : 20). Les sols s’assèchent, limitant le développement des végétaux, tandis
que le ruissèlement des pluies grossit en volume et en vitesse et que l’érosion s’accélère, menant à
des changements de surface. Dans les zones au sol compacté, les racines ne peuvent pénétrer le sol
profond, ce qui fait que seuls des végétaux de petite taille peuvent encore y pousser. Cela favorise la
prolifération des plantes exotiques et invasives et des plantes annuelles à germination rapide (Ibid :
26-27)
Pour ce qui concerne les véhicules off-road (4×4, quad, moto, tracteur) la densité du sol connait une
augmentation logarithmique à chaque nouveau passage et peut connaitre une cimentation après
quelques-uns seulement (Ibid : 21). La compaction laissera sa marque dans les sols pendant des
années, voire des siècles. Après une centaine de passages de motos, les routes se tassent déjà
suffisamment pour descendre de 30 mm en dessous des sols non perturbés.
Des études américaines prouvent en outre que seulement 15 passages de marcheurs suffisent à
détruire les stabilisateurs de la croute terrestre. Ceux-ci facilitent l’accumulation de matière
organique et de nutriment dans les sols, ce qui garantit leur fertilité. Ils aident également à
l’infiltration d’eau et sa retenue dans la terre. Comme ils sont très proches de la surface, une simple
marche à pied peut les détruire (Ibid : 22).
De surcroit, on sait désormais qu’un grand nombre de spores de champignons et de bactéries
s’accumulent sur les semelles des marcheurs, qui peuvent mener à la dispersion de maladie et
d’invasives. Par exemple, une étude des sols menée au Central Park de New-York révèle la présence
de 122.081 bactéries, dont la plupart étaient jusqu’alors inconnues (WOHLLEBEN, 2021 : 100-104). La
dernière forêt de Kaoris en Nouvelle-Zélande, espace protégé, subit l’invasion d’un champignon de
Corée qui dévore ses racines, menant à la mort lente des individus. Ce champignon y a été importé
par les semelles de marcheurs, et l’infection se répand sur le bord de chemin, juste au-dessus des
racines des arbres.
On peut également mentionner le stress de la faune occasionné par une sur-fréquentation humaine
de leur habitat. Les habitants de nos forêts avaient déjà troqué depuis longtemps leur activité diurne
par une activité nocturne, à cause des perturbations anthropiques. Aujourd’hui, certains trails
forestiers rassemblant des centaines de personnes se déroulent de nuit, avec lampes et tout l’attirail,
dévorant encore un peu plus les créneaux de liberté et le sentiment de sécurité de notre faune.

Les décibels émis par les véhicules (off-road mais également sur les routes) modifient le
comportement des herbivores, qui réagissent moins rapidement à la menace des prédateurs (OUREN
et Ali, 2009 : 36). De plus, le stress occasionné par les lumières et les bruits montrent des effets
physiologiques sur les ongulés, oiseaux et reptiles : accélération du battement cardiaque et des
fonctions métaboliques.

Bibliographie

La DH, Les chiffres fous du trail en Belgique, in www.dhnet.be, le 09/05/2022.
LALLEMAND, A., Le vallon du Ninglinspo à l’épreuve de l’expansion du tourisme : quelle gouvernance
et quelles institutions pour concilier développement économique et soutenabilité environnementale ?,
2022.
OUREN, D.S, et Ali, Environmental Effects of Off-Highway Vehicles, New-York: Nova Sciences
Publishers, 2009.
Sport pour tous Adeps, in www.statistiques.cfwb.be, le 09/05/2022.
WOHLLEBEN, P., l’homme et la nature, Paris : Les Arènes, 2020.

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